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e cas de Cicéron est typique de l'ambiguïté de l'attitude romaine face à l'art grec hellénistique. Cicéron connaît bien les provinces de tradition grecque de l'Empire. Comme tout Romain d'un certain rang, il est allé parfaire son éducation à Athènes, en -798. Il a ensuite visité l'Asie mineure et est retourné en Italie par Rhodes. On ne sait guère s'il a fréquenté les milieux artistiques; il semble qu'il se soit surtout intéressé à la philosophie, auprès d'Antiochos d'Ascalon, des épicuriens Zénon de Sidon et Phèdre et de l'orateur Démétrius de Syrie; à Rhodes (-77), auprès des stoïciens Posidonius d'Apamée et Apollonius Molon et des rhèteurs Ménippe de Stratonice, Denys de Magnésie, Eschyle de Cnide, Xénocle d'Adramytte9. En -75, il entame sa carrière politique par la questure, en Sicile. Il s'occupe suffisamment bien des finances pour que les Siciliens viennent lui demander en -70 de plaider leur cause contre le préteur Verrès. Dans les Verrines, le plaidoyer qu'il prononce à cette occasion, Cicéron répartit en cinq points les griefs contre Verrès : Verrès a trahi ses devoirs à Rome, durant sa questure et sa préture urbaine; Verrès a fauté, en Sicile, dans l'administration de la justice; Verrès a extorqué et détourné l'argent de l'impôt; Verrès a commis les abus de pouvoir les plus atroces. Face à ces quatre chefs d'accusation, extrêmement graves, Cicéron en établit un quatrième : le vol d'oeuvres d'art. L'oeuvre d'art revêt donc à ses yeux, et à ceux des juges auxquels il s'adresse, une très grande importance. Certes, une des raisons est que ces oeuvres provenaient de sanctuaires et qu'à elles s'attachait un caractère sacré (d'autant plus pour un préteur, tel Verrès). Cicéron explique également « qu'il est étonnant à quel point les Grecs se plaisent à ces choses que nous méprisons »10, mais que c'est un drame pour eux, que de se voir arracher ces objets transmis par leurs ancêtres ou qui font la réputation de leurs villes. Mais surtout, elles représentent une richesse colossale, c'est-à-dire que leur valeur vénale est très élevée. En effet, ces oeuvres sont, pour beaucoup, des créations de grands artistes grecs. Et Cicéron de s'offusquer que l'Eros de Praxitèle ait été extorqué par Verrès pour 1600 misérables sesterces11 ! Pour Cicéron, la qualité artistique semble secondaire. Mais alors comment se fait-il qu'un homme qui a vécu dans les plus prestigieux centres artistiques de Grèce fasse si peu de cas de la beauté et de la perfection technique des oeuvres de Praxitèle, de Myron, de Polyclète, qu'il cite ? Pourquoi ne confesse-t-il que du mépris et pas de délectation, un des objectifs souverains qu'il fixe pourtant à l'art... oratoire12 ? Parle-t-il d'art plastique avec prudence à des juges qu'il suppose empreints d'un préjugé qu'en fait il ne partage pas ? Est-ce pourquoi il ne décrit jamais les oeuvres dont il parle, se contentant d'adjectifs vagues : bonus, egregius, magnificus, nobilis, optimus, praeclarus, pulcher ? En réalité, quand au début du discours il cite un premier grand nom, Praxitèle, il explique qu'il a dû apprendre les noms des artistes pour les besoins de son enquête13. Cette naïveté, cet aveu un peu maladroit ne sont pas feints. En -70, Cicéron n'a que 36 ans. Il ne connaît la Grèce que depuis sept ans. Féru de philosophie et de rhétorique grecques, en bon citoyen romain, il manque de goût pour l'art et ne cache pas son ignorance (à l'instar de ces vieux aristocrates qu'en homo novus, il rêve de supplanter). Cependant, dès les années 68-65 av. J.-C., sa correspondance témoigne d'une démarche de collectionneur, avide de statues14, de tableaux15, de reliefs16... Mais là encore, outre l'ostentation de richesse, Cicéron semble surtout attendre de ces oeuvres un décor pour ses propriétés. L'expression artistique compte peu. C'est à partir de -55, avec la rédaction du De oratore, que, dans ses écrits sur la rhétorique et ses ouvrages philosophiques, Cicéron entame une réflexion sur l'expression artistique et qu'il recourt à un vocabulaire esthétique commun à la plastique, à l'art oratoire et à la philosophie. Le langage de l'art devient chez Cicéron le langage même de la philosophie17. En ces années de maturité, la démarche cicéronienne en rhétorique, qui consiste à faire de l'art des orateurs grecs un art romain, annonce une démarche parallèle qui consistera à traduire dans l'art romain celui des artistes grecs. Diptyque des Muses (ivoire), Ve siècle. Musée du Louvre, LP 1267. On reconnaît Horace dans le personnage assis à gauche en bas du feuillet de droite. Horace

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La Ricamarie